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PRÉFACE.

M. l'abbé de la Rue, qui le premier a parlé de Philippe de Reimes et de ses ouvrages1, s'est assez bien acquitté de sa tâche pour m'ôter l'envie de chercher à mieux faire en recommençant son travail sur de nouveaux frais. A part quelques réflexions inutiles, de fausses appréciations et des fautes de lecture dans les citations, comme on en trouve malheureusement trop dans son livre, l'article qu'il a consacré à notre trouvère laisse peu à désirer, et mérite d'être reproduit:

« Le premier de ses Romans est intitulé la Manekine. Dans le début de cet ouvrage, il demande pardon à ses lecteurs si ses rimes ne sont pas léonimes; il avoue qu'il avait peu d'instruction, et par là que son Roman était le fruit de son imagination. Cependant, comme les poètes de cet âge, il compte sur la crédulité de ses lecteurs, en les assurant que les faits qu'il va raconter sont vrais :

Pour cou leur requier-jou qu'il oent

Ce conte que je met en rime.

Et se je ne sui leonime,

Essais Historiques sur les Bardes, les Jongleurs et les Trouvères Normands et AngloNormands... Caen, chez Mancel, 1834, in-8°, vol. II, p. 366-374.

a

Merveillier ne s'en doit mie;
Car molt petit sai de clergie,
Ne onques mais rime ne fis;

Mais ore m'en sui entremis

Pour cou que vraie est la matere

Dont je voel ceste rime fere, etc.

« Le poète donne à son Roman le titre de la Manekine, parce que son héroïne manqua deux fois d'être brûlée vive, et qu'elle n'échappa aux flammes que par la substitution d'un mannequin à sa place. Son nom était Joïe, et elle était fille du roi de Hongrie. Les états de ce royaume ayant voulu forcer ce dernier d'épouser sa fille, celle-ci, pour éviter l'horreur d'un pareil inceste, se coupe le poing. Le père, irrité, ordonne de la brûler vive; mais son sénéchal, plus humain, lui substitue un mannequin, et la plaçant la nuit dans une barque avec des vivres, il l'abandonne au gré des vents et des flots. Elle erre long-temps au milieu des dangers, et enfin elle est jetée sur les côtes de l'Ecosse. On la conduit au roi à Dundee; mais elle refuse de dire son nom et son histoire. Le prince la retient à sa cour; bientôt il en devient amoureux et veut l'épouser. En vain la mère de ce prince s'oppose à cette union; il la relègue à Berwick, où le mariage a lieu. Pendant la grossesse de sa femme, le roi va sur le continent signaler sa valeur dans un tournoi convoqué à Ressons. On lui mande l'accouchement de la reine; mais la mère intercepte les lettres et en substitue d'autres dans lesquelles la conduite de sa belle-fille est calomniée d'une manière si infamante, que le roi ordonne de la brûler vive. Mais son sénéchal, comme celui du roi de Hongrie, a recours à un mannequin. Joïe est encore une fois sauvée et embarquée de la même

manière. Le roi, à son retour, reconnaît son innocence et son injustice envers elle. Il s'embarque pour la chercher; et ce n'est qu'après avoir erré sept ans sur les mers qu'il la retrouve à Rome, où les vents l'avaient conduite. Un anneau qu'il lui avait donné la fait reconnaître. Ils vont le jeudi-saint à la cérémonie de l'absoute; par une rencontre heureuse, le roi de Hongrie s'y trouve également, et fait publiquement au pape la confession de son crime envers sa fille. Joïe reconnaît son père: transports, réunion, réconciliation. Le pape absout les coupables; un esturgeon rapporte la main de Joïe dans une fontaine où l'on allait puiser l'eau des miracles (?). Joïe retrouve sa main, son père, son mari; fêtes brillantes, après lesquelles les uns retournent en Hongrie et les autres en Ecosse.

< Tel est l'aperçu que nous pouvons donner de ce Roman, qui est de plus de 6000 vers 1.....

« Le second Roman de Philippe de Reimes est celui de Blonde, fille du comte d'Oxford. Un gentilhomme français, nommé Jean, va chercher fortune en Angleterre. Il est introduit auprès du comte, qui étudie son caractère, apprécie son mérite, et finit par le nommer écuyer de sa fille.

« Les amours de Blonde et de Jean forment la première partie de ce Roman. Comme l'un et l'autre eurent long-temps à cacher leur amour réciproque, ils sont souvent embarrassés sous le toit paternel: de là beaucoup de circonstances et d'événemens qui sont très instructifs sur la vie domestique qu'on menait dans les anciens châteaux de l'Angleterre. Mais tandis que Blonde et Jean vivent au milieu des

1 Comme on le voit plus loin, il en contient 8590.

F. M.

embarras et des obstacles, il en survient un qui forme la principale partie du Roman. Le comte de Glocester demande Blonde en mariage, son père l'accorde; mais pour échapper à une alliance que son cœur repousse, elle se réfugie en France avec Jean; ils veulent se rendre à Dammartin, patrie de ce dernier, et c'est ici que commencent les exploits du comte de Glocester, qui les poursuit à main armée. Quelques domestiques fidèles, qui ont accompagné les deux amans, combattent avec eux. Mille traverses, des embarras de tout genre, des combats presque continuels, et toujours des succès; enfin, au milieu des périls de toute espèce, Blonde et Jean arrivent à Dammartin. Le roi de France fait Jean comte de cette ville; il réconcilie Blonde avec son père, qui consent à son mariage avec Jean; alors fêtes, tournois, etc.

« Ce Roman, qui renferme 6320 vers, est encore très-important pour connaître les mœurs et les usages du moyen âge. L'auteur intéresse ses lecteurs par le fond de son ouvrage; son style est correct pour le siècle où il écrivait; il est souvent sentencieux. A la fin de chacun de ses Romans, le poète explique le but moral qu'il a eu en les composant, et les conséquences qu'on en doit tirer.

« On ne trouve point les deux Romans de Philippe de Reimes mentionnés dans la Bibliothèque des Romans de Lenglet du Fresnoy '; ils sont à la Bibliothèque du Roi, no 76092. »

Voici la description de ce manuscrit, le seul connu qui renferme

' Cette observation est tout au moins inutile, attendu que les trois quarts des anciens romans françois sont dans le même cas. F. M.

les œuvres de Philippe de Reimes, et qui, à ce titre, nous a paru mériter une notice détaillée :

1

La première page de texte porte deux notes qui nous apprennent que ce volume a d'abord été la propriété de Charles de Croy, prince de Chimay, et que plus tard il a été donné à la Bibliothèque du Roi par M. Watcans, chanoine de Tournay'. C'est un petit in-folio, sur vélin, écrit en lettres rondes du quatorzième siècle, sur deux colonnes de quarante lignes chacune, à l'exception d'un feuillet qui contient une pièce intitulée la Riote du Monde, sur trois colonnes, d'une écriture plus ancienne que celle du manuscrit, et qui autrefois a servi de feuillet de garde. Ce volume est orné, au recto du premier feuillet, d'une grande miniature à deux compartimens rouge et bleu, à moitié effacée, représentant deux épisodes du Roman de la Manekine, par lequel s'ouvre le manuscrit. Au-dessus de cette miniature, on lit ces mots, d'une écriture du temps, qui a presque disparu: De le Manecine, uns des biaus c'on sache. En tête de chacun des ouvrages qui composent le volume, on voit une petite miniature qui, de même que la plupart de celles disséminées dans le texte, est en

Voici ces deux notes. La première, d'une écriture du seizième siècle, est ainsi conçue : . C'est le Romant du Hen. Appartient à monseigneur de Croy, prince de Chimay, seigneur d'Avesnes.....

D

La seconde contient ces mots : « Donné à la Bibliothèque du Roi par M. Watcans, chanoine de Tournay, ce 26 janvier 1715. ›

2

Un petit poème satirique, qui n'a de rapport que le nom avec ce morceau, a été publié par nous, avec une pièce en prose et en vers, sous ce titre : La Riote du Monde. - Le Roi d'Angleterre et le Jongleur d'Ely (XIIe siècle), gr. in-8°. Paris, chez Silvestre, libraire, rue des Bons-Enfans, no 30. M DCCC XXXIV.

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