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MAURICE DELAFOSSE

PAR HENRI LABOURET

OTRE Institut venait à peine de naître qu'il était douloureusement éprouvé par la mort d'un de ses directeurs: Maurice Delafosse, gouverneur honoraire des Colonies, Professeur à l'École Coloniale et à l'École des Langues Orientales Vivantes de Paris.

Une année s'est écoulée depuis la disparition de cet homme éminent. Tout a été dit, semble-t-il, sur ce fonctionnaire hors de pair et sur ce remarquable savant. Les nombreuses notices nécrologiques qui lui furent consacrées contiennent des éloges mérités, des marques de sympathie, des regrets sincères, pourtant elles ne m'ont point satisfait, car aucune, à mon avis, ne le montre tel qu'il était, tel que je l'ai connu pendant près de vingt ans, tel qu'il apparaissait enfin aux noirs administrés et étudiés par lui. La plupart de ses biographes ont rendu hommage au professeur, à l'historien, au linguiste, personne n'a cherché à le replacer en pensée dans les régions tropicales, où son activité s'affirma si heureusement, mais au sein desquelles il contracta le germe de la maladie qui devait l'emporter.

Mon impression sur Maurice Delafosse est différente de celles qui ont été exprimées jusqu'ici; je la crois plus exacte et plus complète, car c'est surtout l'Africain que je vois en lui. J'ai eu en effet l'honneur d'être son élève, son collaborateur, et parfois son confident; en outre les hasards de ma carrière m'ont conduit dans la plupart des régions lointaines où il avait servi avant moi. Là, je l'ai aperçu sous un aspect que bien peu soupçonnent. J'ai pu constater partout l'influence et le prestige considérable dont il jouissait auprès des indigènes, qui l'approchaient en confiance parce qu'ils se sentaient aimés de lui.

Ce fut pendant la révolte de la Côte d'Ivoire en 1910 que, pour la première fois, se manifesta à mes yeux ce sentiment complexe, fait de crainte, de respect et de sympathie. Je traversais alors avec une petite troupe de tirailleurs sénégalais une contrée du Baoulé, dont les habitants, tout prêts à se joindre aux rebelles, se montraient renfermés et hostiles. Trois heures après mon arrivée dans un certain village, je n'avais pas encore pu obtenir de vivres, les femmes avaient disparu dans la forêt et les jeunes gens formaient autour de moi un cercle énigmatique. Aucun de mes hommes ne parlait l'idiome local, et je m'évertuais en vain à faire comprendre aux assistants les besoins de mon escorte, en évitant tout éclat inopportun et en utilisant au mieux le Manuel de Langue Agni, composé quelques années plus tôt par Maurice Delafosse lorsqu'il administrait cette même région. Un vieillard

qui m'observait depuis un certain temps, me demanda comment j'avais appris les phrases que je prononçais d'ailleurs fort mal. Ayant entendu mes explications, il alla chercher d'autres notables, examina avec eux le petit volume dont je me servais, et me fit préciser qu'il s'agissait bien d'une œuvre rédigée par Missié Lafosse. Dûment renseigné, il se retira. Trente minutes après, une longue théorie de femmes, surgissant de la brousse, apporta de l'eau dans des jarres et des charges d'ignames; un petit garçon qui les suivait me remit un ananas.

Des années passèrent et un jour dans un autre village, nommé Kpueré, situé bien loin de là sur les bords de la Volta Noire et habité par des Birifor assez peu maniables, j'entendis parler avec surprise de l' 'homme qui mesurait la terre'. Celui auquel on appliquait cette pittoresque appellation était Maurice Delafosse, qui, stationnant en ce point au cours de la mission de délimitation franco-anglaise, en 1903, avait si bien conquis, par sa bonne grâce et sa droiture, les sauvages habitants de ce centre farouche, que le souvenir de son passage demeurait encore vivace parmi eux, dix-huit ans après. Partout où j'ai retrouvé ses traces, au Sénégal, au Soudan, à la Côte d'Ivoire, dans la Haute Volta, les noirs qui l'avaient approché manifestaient, en entendant son nom, une confiance assurément fort remarquable, mais qui ne surprenait point ceux qui connaissaient son calme, le charme de son accueil, l'indulgence de son geste et de son regard, l'habileté persuasive d'une parole qui savait provoquer les confidences. Ces dons naturels si précieux ont facilité dans une large mesure l'abondante documentation rassemblée par ce maître.

Par des observations personnelles nombreuses, des conversations avec des indigènes de tous les pays et de toutes les conditions, il était arrivé à une connaissance approfondie de la psychologie, des besoins des nègres, il avait envisagé les moyens qui semblent les plus propres à assurer chez eux une évolution délicate. Il osa discuter un des premiers la soi-disant infériorité intellectuelle des Africains, et affirmer qu'en tout cas elle n'avait jamais été démontrée; enfin, il s'efforça de présenter au public, dans plusieurs ouvrages, la moralité des noirs, telle qu'elle apparaît à la lumière des faits sociaux, leur mentalité, leur littérature et leur art, unissant dans ses livres la science la mieux informée à la plus large sympathie humaine.

Lorsque des infirmités contractées au service obligèrent Maurice Delafosse à abandonner pour toujours les régions tropicales où il avait tant travaillé, sa réputation s'était étendue dans son pays et à l'étranger. Le gouvernement lui réserva une large place au Conseil supérieur des Colonies, il participait aux travaux si importants relatifs à la législation des possessions d'outre-mer. Enfin, quand il y a trois ans se réunit à Genève la Commission de l'Esclavage, il fut désigné pour y représenter la France. Au cours de la session il se lia d'amitié avec un autre grand Africain, Sir F. D. Lugard. La collaboration

de ces deux hommes, à propos d'une question capitale, devait avoir les résultats les plus féconds.

A l'étranger M. Delafosse fut bientôt connu par ses travaux historiques, linguistiques et ethnographiques sur l'Ouest-Africain; membre effectif de l'Institut Colonial de Bruxelles, il était en relations avec des savants de tous les pays. Les liens personnels qu'il avait ainsi noués lui firent apercevoir de bonne heure les avantages de la collaboration internationale, et l'on peut dire que la conception première de notre Institut date, dans son esprit, de l'instant où cette notion s'affirma chez lui. Cependant plusieurs années devaient s'écouler avant que les circonstances ne permissent les conversations préliminaires, au cours desquelles se discuterait la fondation d'un organisme jugé nécessaire.

Dans l'intervalle Maurice Delafosse s'attacha à faire comprendre par ses écrits l'importance de plus en plus considérable que l'Afrique et ses habitants prennent dans la vie économique du monde entier, ainsi que l'impérieuse nécessité d'étudier sans retard le pays et les hommes. Presque chaque jour un article de lui dans un journal quotidien ou dans une grande revue coloniale renseignait le public sur les civilisations nègres, l'administration des peuplades habitant les possessions françaises, les grands problèmes qui se posent devant les nations tutrices pour l'éducation et l'évolution de leurs sujets. Tour à tour la question de l'impôt, celles du bien-être, des soins médicaux, de l'hygiène, des écoles, des langues à enseigner, de l'instruction des filles, de la production économique, et tant d'autres, étaient abordées et exposées d'une plume alerte en faisant appel au bon sens du lecteur, et sans jamais fatiguer celui-ci par une érudition qu'il eût été cependant si facile à l'auteur de déployer.

Lorsque M. Delafosse n'écrivait pas il parlait. Ce n'était pas un orateur maniéré, cherchant ses phrases et ses effets, mais un causeur charmant et disert, sachant expliquer avec clarté les difficultés les plus ardues et convaincre son auditoire. Il articulait nettement des périodes, composées avec élégance, et aimait à relever sa démonstration d'une pointe d'humour discrète. On l'appréciait également comme conférencier en Belgique et en France.

Ainsi, par la plume et par la parole, il poursuivit sa propagande inlassable, jusqu'au moment où, vers 1924, il se trouva d'accord avec d'autres hommes éminents pour étudier l'opportunité de fonder un Institut international consacré à l'étude des langues et des civilisations nègres, des grands problèmes que posent en Afrique la mise en valeur du sol, la prise de contact souvent brutale de deux races essentiellement différentes, le développement de l'industrie, la transformation des facteurs économiques, les modes d'administration et de gouvernement.

Grâce à lui l'idée, répandue déjà à l'étranger, avait fait des progrès en France, il fallait la consacrer matériellement par une réunion de personnalités

qualifiées et aptes à prendre une décision. C'est alors que M. Delafosse entra en relations plus étroites avec l'animateur infatigable de notre Institut, le Major Vischer. Ces deux caractères pratiques et précis, également éprouvés au creuset des souffrances africaines, devaient se comprendre au premier mot, pour accomplir les actes indispensables qui aboutirent aux importantes séances tenues à Londres les 21 et 22 septembre 1925.

J'ai sous les yeux une correspondance et des documents manuscrits formant un dossier relatif à l'Institut et que M. Delafosse avait composé. Beaucoup de notes, rédigées de son écriture si nette, sont consacrées aux buts à atteindre, à la propagande à poursuivre, aux écueils à éviter, aux procédés les plus propres pour convaincre les hésitants et enlever leur adhésion, toutes témoignent d'une connaissance approfondie des hommes et d'une rare expérience de la vie. En les relisant on comprend mieux tout ce que nous devons à leur auteur et combien sa coopération fut efficace et active dans ces premiers temps difficiles. C'est lui rendre un hommage mérité que de le reconnaître ici.

Maurice Delafosse dévoilait dans le privé un esprit délicat et d'un commerce sûr. Dans l'administration il avait fait preuve d'une remarquable intelligence, d'une rare noblesse et d'une limpidité parfaite; parti des fonctions les plus infimes, il s'était élevé aux plus hautes, se montrant supérieur à toutes; il eût pu en briguer d'autres dont sa modestie seule l'écarta. Sa science l'avait porté au premier plan parmi les linguistes de son temps qui se sont consacrés à l'étude des idiomes négro-africains, il était connu d'autre part comme historien et ethnologue. La disparition d'un tel homme frappe douloureusement ses admirateurs et ses amis, si nombreux au sein de cet Institut et qui appréciaient en lui à la fois le lettré et le philanthrope.

HENRI LABOURET.

RECENT LITERATURE ON BANTU TRIBES

SOME ETHNOLOGICAL AND LINGUISTIC PUBLICATIONS

SOME

BY PAUL SCHEBESTA

OME parts of Bantu territory have been extensively investigated and described in monographs and periodicals, whereas others have been almost entirely neglected. This is not the place to enter into the reasons for this, which are in fact, to some extent, of a superficial character; nevertheless we are now in the satisfactory position of being able to say that research workers, missionaries, and government officials have thrown much light on the way in which the Bantu tribes live, and on their languages. It would take us too far if we attempted to review all the Bantu literature of the last few years, but we shall try to give a summary of the principal publications.

We owe it to three missionaries that we possess particularly valuable monographs on three of the Bantu tribes, and these publications are regarded as standard works. Although not very recent they are worthy of mention here as examples of thorough investigation and description.

The first and also the oldest of the three is by J. Roscoe, The Baganda, An Account of their Native Customs and Beliefs (Macmillan, London, 1911, price 155.), which describes the old Uganda customs, now no longer in existence. The second book, of which a new edition has just appeared, is by Henry A. Junod, The Life of a South African Tribe (first edition Neuchatel, 1913, new edition Macmillan, London, 1927, £2 10s.), and this is an excellent monograph on the Thongas of Portuguese East Africa. The third and most recent book is by E. W. Smith and Murray Dale, The Ila-speaking Peoples of Northern Rhodesia (Macmillan, London, 1920, £2 10s.), and it is quite as good as either of the others.

John Roscoe has written other books, of which two are, The Bakitara or Banyoro, and The Banyankole (Cambridge University Press, 1923, pp. 370 and 176: 255. and 155. nett). They embody the results of the Mackie Ethnological Expedition to Central Africa, which was under the leadership of John Roscoe. Neither of these is as good as his most important book, The Baganda, but this is quite comprehensible, as they consist of a collection of experiences and information which can be picked up by an investigator passing through the country, while the other book represents the mature work resulting from many years' residence in the country. Nevertheless these two publications are of considerable value, as they contain much information regarding the material, social, and religious life of the Bahima tribe and their subject tribes the Bahera and Banyoro, the latter

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