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Les hommes portent au jarret et à la cheville des grelots en fer qu'ils font sonner pour scander leurs mouvements.

Ce ballet d'ouverture remporte toujours un grand succès, ceux qui y participent le prolongent volontiers, l'interrompant parfois quelques instants lorsqu'ils sont fatigués et le reprenant bientôt avec une ardeur redoublée. Mais ce n'est là qu'un prélude, et la place se dégage pour la véritable représentation qui va suivre et dont le premier acte sera le prologue et l'entrée de la troupe comique.

PROLOGUE ET PRÉSENTATION DE LA TROUPE

L'orchestre se groupe sur l'un des côtés du fere, le chœur, composé des femmes et des jeunes filles, se tient debout à droite et à gauche des instruments, prêt à répondre au chant des acteurs. Ceux-ci, qui sont d'ordinaire des hommes,' se préparent dans une maison voisine, se costument, et se griment, si l'on peut dire, recouvrant leur visage et leur torse nu d'argile, de cendre, de kaolin, de manière à se donner une apparence fantastique ou ridicule. Ils s'affublent de vêtements déchirés, et se procurent les armes, instruments et accessoires que réclame leur rôle. Lorsqu'ils sont prêts, ils le font savoir et l'auditoire garde aussitôt le silence.

Un cri d'abord lointain se fait entendre, puis se rapproche, on distingue bientôt la voix d'une personne encore invisible, qui chante ces paroles:

ŋ'kele nte de! ŋkele nte! - Je ne suis pas seul, allez ! Je ne suis pas seul! yaŋkau ka yɛlɛ n'ma! — Gens d'ici, ne montez pas sur moi ! — (C'est-à-dire, ne me tracassez pas.)

ŋ'kele nte !

ne fa deu to

ŋ'kele nte!

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yɛ de ! — Laissez les enfants de mon père !
Je ne suis pas seul !

ne ba deu to yɛ de! Laissez les enfants de ma mère !
n'kele nte! Je ne suis pas seul!

L'orchestre rythme ces paroles que les femmes du chœur répètent textuellement, sentence par sentence, jusqu'à l'entrée de l'acteur. Celui-ci s'est donné un aspect singulier et quelque peu effrayant. Il

' Il n'est pas sans exemple que des femmes aient rempli des rôles dans ces représentations, mais le cas est rare.

s'avance à moitié nu, le corps enduit de cendre blanche, le tour de ses yeux est coloré de même, il porte sur les épaules un court manteau déchiré, et sur la tête un vieux turban à moitié dénoué dont les lambeaux pendent derrière lui; sa démarche est embarrassée et hésitante. Examinant d'abord la place avec lenteur, et comme s'il était en proie à une grande indécision, il se dirige enfin vers l'orchestre en chantant:

ne fa deu tununa n’na! - Les enfants de mon père sont perdus pour moi ! ne ba deu tununa n'na! - Les enfants de ma mère sont perdus pour moi! n'aara a ka dugu dunũ kã fɛ. — Je suis venu en entendant votre tambour. Un des musiciens répond:

Ite Samama wele, o dolu be, un'i lamine. Veux-tu appeler Samama et les autres, ils vont te répondre.

Aussitôt l'acteur court à l'entrée de la rue la plus proche et déploie des efforts burlesques et exagérés pour appeler ses camarades. Écartant les jambes, plaçant ses paumes à plat sur les reins, et se balançant d'arrière en avant, comme pour prendre son élan, il crie d'une voix forte:

Sama nyoyolu de! Envoyez les autres !

Puis il porte la main en pavillon à son oreille pour écouter. N'entendant rien, il va successivement à l'angle des autres rues, en donnant des signes d'impatience, et lance de nouveau son appel avec la même mimique. A la dernière station les autres acteurs répondent enfin: Hi!

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Le premier acteur: Sile ŋkoro?· -Sous le faux karité?
Les autres: Hi!

Le premier acteur chante et danse alors, accompagné par l'orchestre; il est bientôt rejoint par les autres, qui sont déguisés suivant le type qu'ils doivent incarner. On reconnaît parmi eux l'infirme, l'aveugle, le boiteux, le lépreux, l'imbécile, le chasseur maladroit, le brigand, l'épouse adultère, le mari trompé, le vantard poltron, le marchand prodigue, la sorcière, le voleur, etc. La troupe au complet fait le tour

du ferɛ en chantant et en dansant, puis elle se retire. Le prologue et la présentation de la compagnie sont terminés.

LES COMÉDIES

La partie proprement artistique de la soirée débute très souvent par le lever de rideau suivant, elle se continue par d'autres pièces analogues à celles qui seront analysées plus loin.

I. Le Marchand de Colas et la Femme coquette

Personnages: Le marchand de colas.

Fatimata, femme légère.

Le mari de Fatimata.

Le chœur.
L'orchestre.

Un jeune acteur remplit le rôle de Fatimata. Celle-ci entre en scène en minaudant et va s'asseoir au milieu de la place. Elle est parée avec ostentation et porte de grosses perles dans ses cheveux, ainsi que des bracelets volumineux aux poignets et aux chevilles; de temps en temps elle rajuste son pagne d'un mouvement onduleux. Lorsqu'elle est assise, elle pose sur ses genoux un miroir, prend une petite trousse et se passe de l'antimoine autour des yeux.

Peu après, un colporteur tenant sous le bras un panier de colas se présente à son tour, regarde de tous côtés, hésite et finalement se dirige vers les musiciens, qu'il interpelle après les salutations d'usage.

Le colporteur: Je suis venu ici pour vendre mes colas, mais la place est-elle bonne?

Un musicien: Il n'y en a pas de meilleure! Ici c'est la paix. Le village est excellent, ne crains rien, installe-toi, tu trouveras parmi nous repos, nourriture abondante, bon profit et même de jolies femmes.

Le colporteur (avec de grands gestes de protestation et de mépris): Des femmes ! De jolies femmes! Des femmes galantes! Qu'ai-je à voir avec ces créatures, moi, commerçant paisible, uniquement occupé de mes affaires ! Vendre mes colas, voilà ce que je souhaite; le reste, les femmes, je m'en moque !

Ce disant il s'éloigne en esquissant un pas de danse, en balançant son panier et en chantant:

Woro sãta ye! - Colas à vendre!

Il fait ainsi le tour de la place et aperçoit la femme toujours occupée à se farder; il la considère d'abord à distance en exprimant par ses gestes une profonde admiration, puis il s'approche doucement en chantant d'une voix persuasive:

Woro sata ye! - Colas à vendre!

Fatimata: A combien les colas?

Le colporteur (découvrant son panier avec prévenance et en déployant toutes ses grâces): Vois celui-ci! Vois celui-là! Tiens ce gros blanc; prends-le; prends, te dis-je ! . . . et ne paie pas. (En même temps il fait l'empressé, et à chaque mot se rapproche de la femme, qui ne paraît pas s'en apercevoir.)

A trois ou quatre reprises cette scène se répète, et chaque fois l'homme remet des fruits à Fatimata, si bien qu'il ne reste plus de colas dans le panier. Le colporteur regarde alors sa corbeille avec tristesse, la retourne, la secoue, la palpe, comme pour bien se convaincre qu'elle est vide, puis donnant les signes d'une affliction profonde, se met à danser lentement devant Fatimata en chantant:

Fatimata duguru degere,' i e n'ka woro waga ro yereke! — Fatimata duguru degere, tu m'as dissipé mille colas !

Fatimata: Ne m'ika woro waga ro yereke e de ŋ'ka taafe bolo la yereke! Non certes, je ne t'ai pas dissipé mille colas, c'est toi au contraire qui as tiré le bout de mon pagne!

Le colporteur: Fatimata duguru degere, i e n'ka diago kun na yerekɛ ! —— Fatimata dugure degere, tu m'as dissipé mon capital!

Fatimata: Ne m'ika diago kun na yerekɛ, e de e ŋ'ka taafe bolo la yerekɛ. Non certes, je n'ai pas dissipé ton capital, c'est toi au contraire qui as tiré le bout de mon pagne.

Le colporteur: Wa! ni n'y'ika taafe bolo la yerekɛ ne be ika taafe bolo be yereke!-Oh! Eh bien, si j'ai tiré le bout de ton pagne, je vais maintenant tirer le pagne tout entier !

A ces mots il s'approche de la femme, mais Fatimata, tout à l'heure complaisante, se défend avec une véhémence extrême, maintenant que le séducteur n'a plus de colas. Il en résulte un jeu de scène plus ou moins prolongé suivant l'habileté des acteurs et qui se termine par une rixe violente, accompagnée de sauts et de chutes retentissants.

I Expression intraduisible indiquant la démarche d'une femme bien en chair qui fait rouler ses hanches.

Au bruit, le mari de Fatimata fait une entrée sensationnelle. Il est couvert de cendre et vêtu de loques extraordinaires.

Fatimata (hors d'elle, accusant le colporteur): E de ŋka taafe bolo la yerekɛ! - C'est toi qui a tiré le bout de mon pagne !

Le mari (furieux, s'adressant au colporteur): Ha! E de be ne moso ka taafe bolo la yereke! I te ni fla ke! -Ah! c'est toi qui as tiré le bout du pagne de ma femme, tu ne le feras pas deux fois!

Ce disant, il se précipite sur le colporteur, le frappe à grands coups de poing, et le poursuit hors de la place tandis que Fatimata se sauve de son côté.

II. Le Poltron vantard

Personnages: Le poltron.

La femme du poltron.

Les trois enfants.
Le brigand.
L'orchestre.

Le poltron s'avance, il est vêtu de loques et tient un arc démesuré et un carquois sous le bras gauche. Sa femme le précède, portant sur la tête une charge volumineuse qui contient les bagages de la famille; trois enfants marchent devant elle. L'homme chante:

Yorosale nyo ye n'ye, kamale yorosale nyon yɛ n'ye, ntanso nyineni dyuru e ŋgã kala fu yɛ.1- Je suis un étranger craintif, je suis un homme craintif: une natte faite de ntanso attachée avec de la fibre de gombo!

Il fait ainsi quatre ou cinq fois le tour de la place, le chœur lui répond en répétant les paroles de son chant:

Dyaroya gwale be an'fɛ yɛ kodiugu ne naara ye dogo au fɛ yã. — Un brigandage affreux sévit là-bas chez nous, aussi je viens me cacher ici, chez vous.

'Il y a dans cette phrase plusieurs expressions qui doivent être expliquées. Yorosale indique le tremblement du peureux qui craint tout; nyineni est une natte servant tantôt pour se coucher, tantôt pour obturer les portes; on fait d'ordinaire ces nattes en grosse paille solide et résistante: Tie Kala, quelquefois avec une autre paille moins forte, moso waga, mais jamais avec l'herbe ntanso, légère et cassante lorsqu'elle est sèche. La fibre de gombo, qui se brise au moindre effort, n'est pas utilisée non plus pour assembler les éléments d'une natte. En se comparant à quelque chose fait de paille légère et de liens fragiles l'acteur indique son caractère au public.

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