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tandis qu'à l'autre extrémité Niellé est en conversation amoureuse avec un jeune homme. La même scène que la première fois se déroule, le chasseur tire sans succès, inspecte les traces et revient sans aucun gibier. En arrivant près de l'orchestre, il surprend sa femme et l'amant de celle-ci, qu'il frappe et poursuit en criant:

'Je le savais bien! La voilà la cause de ma maladresse.'

V. La Sorcière aux grandes oreilles

Personnages: La sorcière.

Le cultivateur.

La femme du cultivateur.

Les enfants du cultivateur.
Le chœur.
L'orchestre.

Comme dans les pièces précédentes, il s'agit ici d'étrangers: le père, la mère et les enfants, qui ont été obligés de quitter leur village parce qu'ils sont poursuivis par une sorcière. L'homme expose sa situation à un musicien, qui ne manque pas de lui assurer qu'aucun sorcier n'existe dans l'endroit où ils se trouvent.

Le père rassuré témoigne sa satisfaction en chantant et en dansant, tandis que la femme et les enfants s'installent. Aussitôt après la sorcière paraît.

C'est une vieille femme au visage couleur de cendre, dont le corps contrefait exhibe une bosse monumentale sur l'estomac et une autre non moins grosse au milieu du dos. Son aspect monstrueux est encore accusé par deux oreilles immenses, qui s'élèvent de chaque côté de sa tête, et sont constituées par deux grands éventails en sparterie. Elle s'avance d'un pas saccadé en s'appuyant sur un long bâton, et son arrivée cause dans l'auditoire une profonde sensation. Elle chante, et le chœur répète après elle:

Klebi mǝyǝ bɛ teme, be ko Farimani de subaa yɛ.-Les gens de l'Ouest passent, tous disent que Farimani est une sorcière.

Koro na mɔɔ be teme, be ko Farimani de subaa ye.-Les gens de l'Est passent, tous disent que Farimani est une sorcière.

Farimani de subaa yɛ.-Farimani est une sorcière.

An naa koro be doni do.—Vous allez bientôt tout savoir.

La famille des réfugiés manifeste une grande terreur. Les enfants se sauvent et la sorcière les poursuit sur la place. Après bien des péripéties elle réussit à toucher successivement chacun des acteurs avec son bâton. La personne ainsi atteinte tombe aussitôt inanimée; la sorcière s'en approche, se courbe, pose sa bouche sur le corps inerte, qui est réputé mangé par elle.

VI. Voleurs d'ignames

Personnages: Le cultivateur.

Les enfants du cultivateur.

Le voleur intelligent.

Le voleur imbécile.
L'orchestre.

Le chœur.

Le cultivateur entre en scène précédé de ses enfants, il est irrité parce que chaque nuit des voleurs emportent ses ignames. Un musicien lui conseille de placer dans son champ un dieu protecteur qui arrêtera les malfaiteurs. Le cultivateur y consent, fait le nécessaire et se retire avec ses enfants.

C'est maintenant la nuit. Deux voleurs arrivent, marchant avec précaution, attentifs de l'œil et de l'oreille; chacun d'eux porte sous le bras un petit tambour suspendu au cou par une ficelle. Parvenus au milieu de la place ils dansent en chantant:

Ku dienine kaa di mɔyɔ bɛ ntigi ntã.-L'igname grillée est excellente, c'est un bien sans propriétaire.

Motif aussitôt repris par le chœur. En même temps ils frappent en cadence sur leurs tambours. Mais tandis que l'un tape doucement, l'autre bat la peau de son instrument avec violence, si bien que le premier l'engage à faire moins de bruit, de crainte d'éveiller le maître du champ. Le second obéit pour un instant, mais recommence bientôt, et ce jeu de scène permet de découvrir les caractères respectifs des deux acteurs, l'intelligent et l'idiot.

Les voici qui fouillent la terre, dégagent les ignames et les mettent en tas pour les emporter. Le premier travaille avec précaution et témoigne sa joie en chantant en sourdine tandis qu'il touche à peine son tambour:

Ku dienine kaa di mɔyɔ bɛ ntigi ntã.-L'igname grillée est excellente, c'est un bien sans propriétaire.

L'autre, au contraire, hurle à tue-tête et frappe son instrument à tour de bras chaque fois qu'il découvre un gros tubercule. Enfin les charges sont prêtes, mais celle de l'idiot est tellement lourde qu'il ne peut la porter, il vacille sous le poids et finalement vient heurter le dieu protecteur, qui l'immobilise et l'empêche de bouger.1 En voyant cela, son complice s'enfuit. Il est grand temps, car le cultivateur, attiré par le vacarme, accourt avec ses enfants et découvre l'idiot. Celui-ci proteste et l'insulte: il est un homme connu du village voisin, parti dans la brousse pour ramasser deux ou trois ignames sauvages, et voici qu'on a lancé contre lui des sortilèges qui l'empêchent de se mouvoir, tout son corps est endolori! Le propriétaire ne se laisse pas prendre à ses protestations, il le délivre et l'emmène en le rossant.

VII. Les Voleurs de Poisson

Personnages: Premier pêcheur.

Deuxième pêcheur.

Premier voleur.

Deuxième voleur.
L'orchestre.

Le chœur.

Deux pêcheurs viennent placer des filets et des nasses dans un cours d'eau qui est supposé traverser la place. Ils se plaignent que leur poisson soit enlevé chaque nuit par des voleurs et se retirent.

A peine sont-ils partis que deux voleurs s'avancent vers les filets sans se voir; ils se heurtent dans l'obscurité et manifestent aussitôt une grande frayeur, car chacun d'eux se croit en présence du pêcheur qu'il est venu voler. Finalement, ils s'enfuient dans des directions différentes, après un jeu de scène assez prolongé.

Les pêcheurs rentrent en scène et remarquant que, de nouveau, on

1 Dans cette pièce, comme dans la suivante, il s'agit non seulement d'un dieu protecteur destiné à écarter les voleurs et à punir ceux-ci, mais encore de pratiques magiques, celle du nœud, de la cheville ou du clou par exemple, ayant pour effet d'immobiliser le malfaiteur jusqu'à ce qu'il soit délivré comme il convient. En scène on ne donne naturellement aucune information sur les procédés employés et qui sont bien connus de l'assistance.

a touché à leurs engins, se décident à placer un dieu protecteur auprès de ceux-ci.

Les voleurs reviennent, se cognent encore dans la nuit, mais cette fois ne peuvent plus se séparer, car une puissance surnaturelle les lie. Les pêcheurs ne tardent pas à reparaître et la pièce se termine comme précédemment par des horions.

L'INTRIGUE, LES CARACTÈRES, LES ACTEURS

Les exemples qui viennent d'être cités montrent assez que le titre donné par les indigènes à ces manifestations théâtrales ne leur convient pas absolument, étant trop restreint. En effet, il ne s'agit pas ici d'une simple 'moquerie des choses de l'association du mariage', mais d'une satire qui glane ses observations dans le vaste champ de la vie. Les auteurs anonymes de ces pièces en sont aussi les acteurs, ils font œuvre de psychologues, et savent porter avec art à la scène les ridicules de leurs concitoyens.

Tous les types qui défilent sur le fere ont été vus dans le village, ils sont en général simples et saisis sur le vif, aussi point n'est besoin d'une intrigue compliquée pour les mettre en valeur. Les plus fréquents sont ceux des époux qui cherchent à se tromper, mais il en est d'autres non moins appréciés du public qui les reconnaît, les nomme et s'en amuse; ce sont: le lépreux, l'aveugle, le boiteux, le voleur, le poltron, le vantard, le sorcier.

La femme inspire en général peu d'estime au Soudanais, qui la tient pour bavarde, capricieuse, et incapable de discrétion. Les contes recueillis par Bérenger-Féraud, Monteil, de Zeltner, Frobenius, et surtout par Équilbecq, affirment cette opinion que l'on retrouve exprimée au théâtre. D'autre part, le Mandingue a peu d'illusions sur la vertu des épouses, les incidents journaliers le renseignent en effet, bon gré mal gré, sur les infortunes des voisins et les siennes propres, il ne s'en offense pas, trouvant sans doute la jalousie quelque peu ridicule, et toujours vaine, puisque les précautions inspirées par elle ne peuvent empêcher l'inévitable. Mari trompé, il corrige le complice et garde sa femme. Quiconque a vécu dans un village africain ou assisté aux audiences des tribunaux indigènes sait combien sont fréquentes ces querelles conjugales dont le motif

n'est jamais dissimulé. Elles égaient les assistants, prompts à se réunir pour écouter et juger, il est donc naturel qu'on les porte à la scène.

En dehors du mari, de la femme et de son amant, on voit apparaître assez souvent le lépreux. La religion aussi bien que le folk-lore local font une large place à la lèpre, maladie envoyée par les dieux pour punir ceux qui les ont offensés. Cette affection, malheureusement encore fréquente dans l'Ouest-Africain, n'inspire ni dégoût, ni pitié. Touché par le mal divin, celui qui en est atteint jouit d'une considération particulière qui apparaît dans de nombreux contes, où le héros emprunte l'aspect d'un lépreux pour tromper quelqu'un et triompher dans ses entreprises.

Mais l'homme privé de ses doigts et de ses orteils par cette terrible maladie est impotent et maladroit, on ne le plaint pas, au contraire, le public prend un plaisir que nous jugeons coupable à railler sa démarche incertaine et ses gestes incomplets, il est devenu un type ridicule que l'on aime à caricaturer. Pour la même raison l'aveugle et le boiteux lui font pendant sur la scène soudanaise.

Le théâtre, s'inspirant des observations faites dans l'existence journalière, réserve naturellement un rôle important au voleur, dont les menus larcins aux champs et dans les maisons indignent le village et valent à l'auteur des corrections retentissantes. Le caractère du vantard et celui du poltron exposés dans des contes très nombreux servent aussi à bâtir des intrigues pour la scène.

En dehors des personnages ordinaires le théâtre soudanais présente volontiers le sorcier, être mystérieux, esprit du mal, terreur de tout indigène et qui est réputé dévorer la force vitale des personnes. Beaucoup de gens sont sorciers ou suba1 sans le savoir, d'autres jouissent de la faculté de s'excorporer pour assister à des réunions nocturnes durant lesquelles des victimes humaines sont mangées au cours de lugubres festins. Il est curieux de constater comment les Mandingues représentent ces suba au théâtre. C'est le plus souvent sous l'aspect d'une vieille femme difforme et infirme, possédant quelque attribut extraordinaire et effrayant, par exemple d'énormes oreilles en forme d'éventail. On voit confirmées à la scène les données des contes au

1 Ce terme vient de su (lancer) et baya (contracté en ba dans le dialecte bamana), qui est un suffixe d'agent; il peut se traduire par le lanceur' (de sorts).

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